Qu'est-ce qu'un suivi logopédique en logopédie ?

Aurélie ROSSITTO - Logopède spécialisée dans la prise en charge logico-mathématique

Nous entendons souvent « je suis nul en mathématiques », « il est fainéant », « concentre-toi, fais un effort et tu arriveras ».

Seulement, ce n’est pas si simple. L’article ci-dessous vous permettra peut-être de comprendre un peu plus ces enfants en souffrance face aux mathématiques et par la même occasion, de comprendre le travail d’un logopède spécialisé dans ce domaine et de décrire les grands principes de base.

Qu'est-ce que le domaine logico-mathématique ?

Nous retrouvons deux termes principaux : logique et mathématique.

1. La logique

Selon Jean Piaget (psychologue et théoricien dans le domaine de la psychologie du développement), la logique regroupe différentes compétences : la conservation, la classification, l’inclusion et la sériation.

La conservation permet à l’enfant de construire la notion d’invariant (quelle que soit la modification établie, la matière/longueur/liquide ne change pas).

La classification et l’inclusion permettent le classement d’éléments d’une collection d’objets en fonction de critères communs ou au contraire, différents. L’inclusion est une précision apportée quant à une classe d’objets, emboîtante ou emboitée (ex : la tulipe est une fleur).

Quant à la sériation, cette compétence logique construit l’aspect ordinal du nombre (ranger selon un ordre croissant ou décroissant).

Toutes ces notions sont impliquées dans le raisonnement mathématique développé tout au long du cursus scolaire. En logopédie, nous sommes amenés à réaliser un Testing de toutes ces compétences afin de déterminer si oui ou non,  les difficultés en mathématiques observables seraient liées à ce domaine logique.

Il est important également de préciser que l’enfant, suivant son âge et son stade d’évolution se situera en situation d’échec ou de réussite dans ces épreuves. Il ne tient qu’à nous, professionnels, à l’aide des tests administrés, de déterminer si l’enfant se situe en retard d’acquisition de la notion ou non. 

2. Les mathématiques

Quant aux mathématiques, elles lient le raisonnement logique à la notion de nombre. C’est pourquoi des bases en numération (notre système de comptage est en base 10, la lecture et l’écriture de nombres, le comptage) doivent se construire. En logopédie, toutes ces notions sont évaluées en fonction de l’âge d’acquisition. Nous retrouvons les différentes opérations, les calculs lacunaires, la géométrie la résolution d’énoncés mathématiques, le calcul écrit, …

Pour certains enfants, ces notions sont plus difficiles à maitriser. C’est pourquoi, un coup de pouce est parfois nécessaire. En fonction de l’école et du niveau scolaire, l’institutrice ou le professeur s’attendra  à ce que l’enfant développe telle ou telle compétence.

Il ne suffit pas de compter pour construire la notion de nombre. Il s’agit d’une « comptine » que les enfants répètent. Voici quelques repères : à partir de 2 ans, ils construisent le nombre 1, à 3 ans, le nombre 2, entre 3 et 4 ans, les nombres 3 et 4 et à 4 ans,  ils comprennent le principe du comptage.

Comprendre que notre système mathématique se réfère à la base 10, en référence à nos dix doigts, est primordial afin que l’enfant puisse construire cette notion de répétition, quelle que soit le nombre abordé (1289, 4465839). De ce système émerge donc les notions d’unité, dizaine, centaine, … L’unité est considérée comme l’ « invariant » (cfr : domaine logique) du nombre étant donné qu’elle est la référence du système. Le code mathématique est aussi associé au code verbal (les mots) qui est aussi répétitif et qui demande de retenir 28 mots pour pouvoir énoncer tous les nombres que l’on souhaite (zéro, un, deux, …, onze, douze, …, dix, vingt, mille, million, …).

Par la suite, les différentes notions d’opérations, le calcul écrit, les calculs lacunaires ont besoin d’être liées aux différents termes oraux (comme addition, c’est rassembler, ajouter, …), de développer le sens de l’opération et par la suite, l’enfant développera l’aspect arithmétique afin de retenir différents résultats (appelés « faits arithmétiques » : 5+7 = 12, 5x6=30).

Quel est le rôle du logopède et la durée du traitement ?

Dans un premier temps, une anamnèse est indispensable pour permettre au logopède de découvrir l’enfant dans sa globalité. Ensuite, plusieurs épreuves sont administrées dans les deux domaines explicités ci-dessus ainsi que le domaine spatial et le langage oral (lien entre la séquence orale des nombres, la compréhension du lexique mathématique, des consignes, etc.). Lors du premier entretien, plusieurs questions sont posées et notamment sur le domaine psychomoteur de l’enfant, sur la maitrise du temps et de l’espace et sur le schéma corporel (cfr : compter sur ses doigts).

Il est probable que le logopède vous demande un bilan complémentaire chez une neuropsychologue (capacités d’attention, mémoire, planification, …) ou psychologue (peur face aux mathématiques, angoisses, sentiments d’infériorité, …) afin de compléter ses observations et de déterminer les meilleurs outils à mettre en place pour votre enfant.

La rééducation en tant que telle dépendra du profil de l’enfant : si le logopède conclut à un retard ou à de grandes difficultés, la durée du traitement variera. Si des compétences logiques ne sont pas maitrisées, elles seront entamées en premier lieu et puis travaillées en parallèle à la numération pour que l’enfant puisse lier les deux domaines et l’amener petit à petit à transférer ses compétences en classe.

L’approche Gestion mentale est utile pour tous les apprentissages. En mathématiques, elle semble indispensable pour découvrir leur pensée lorsqu’elle est sollicitée dans cette matière : il s’agit d’un autre code, d’un système qui est souvent dit « logique » et qui « coule de source » et déclenche parfois un certain blocage, des peurs de la part des enfants ou des adolescents ; et les reconnecter à leurs évocations, à leur mode de pensée, leur permettent souvent de se réconcilier avec ce domaine.

Lors du travail effectué avec le logopède, le passage par la manipulation de matériaux différents est indispensable. Mais elle doit s’accompagner d’un dialogue avec l’enfant, de la capacité à faire exister la matière dans sa tête et de pouvoir transférer les acquis d’une situation à l’autre, de plusieurs rappels des notions construites ensemble, d’un travail poursuivi à la maison, …